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dimanche 7 décembre 2014

Leurs yeux se rencontrèrent... Ou pas.

Ou mystère de la bouche ouverte.

UN PEU DE THÉORIE LITTÉRAIRE :
Cet ouvrage est consacré à une scène clé, qui se trouve dans tous les romans. La scène de première rencontre est une forme fixe, liée à une situation fondamentale (d'ailleurs extra-littéraire). Elle déclenche un mouvement, une série de conséquences proches et lointaines, qui est la suite inéluctable de cet instant premier.
Le code en est continu, résiste aux coupures historiques et culturelles, et le corpus presque infini. A partir de traits constants, Rousset a construit un modèle. 
Il isole trois concepts :
  1. l'effet ; 
  2. l'échange ; 
  3. le franchissement ; 
  4. puis, par rapport à cette norme, les écarts. 
L'analyse des scènes vérifie la présence permanente de certaines caractéristiques : description du lieu, soudaineté, échange de regards, reconnaissance (platonicienne). 
On peut en déduire trois types de scènes :
  • apparition, disparition de l'héroïne (ou du héros), quête ; 
  • apparition, conjonction, quête (recherche commune, menée par les deux héros réunis) ; 
  • apparition-conjonction, quête commune, disparition (Héloïse). 
La place de cette scène varie, sa répétition également. Il faut aussi opérer un partage logique entre la mise en place et la mise en scène. La mise en place comprend les indicateurs de temps et de lieu, le portrait, le nom. La mise en scène organise les éléments dynamiques, qui relèvent des trois catégories, suivant que leur activité est interne, externe ou les deux, produisant l'effet (soudaineté, par exemple), l'échange, le franchissement (qu'on aurait pu appeler transgression). 
Résumé de Leurs yeux se rencontrèrent de Jean Rousset, éditions José Corti, 1981.

Mais qu'en est-il du modèle du "couple maudit" ? Le modèle du couple impossible suit-il les mêmes règles que le couple classique ? 

Exemple : Une partie de l'essai de Jean Rousset est consacré est consacré à "La communication entravée : Mme de Lafayette". Certes la Princesse de Clèves ne peut pas sortir avec le Duc de Nemours mais cela tient de son éducation. En réalité ce n'est pas vraiment qu'elle ne peut pas mais plutôt qu'elle ne veut pas du fait de ses valeurs. Donc le couple Princesse de Clèves/Duc de Nemours n'est pas vraiment un couple maudit. 

Prenons l'exemple d'un couple vraiment maudit qui a eu beaucoup de succès dernièrement : 
Bella Swan et Edward Cullen. 
Couple que l'on pourrait comparer à un dealer sortant avec son crack (l'expression n'est pas de moi). Difficile de faire plus maudit. 

D'AILLEURS LEUR RENCONTRE ME LAISSE UN PEU SEPTIQUE :

L'effet est particulièrement bien rendu dans le film (si vous regardez l'extrait en question, je vous conseil de ne pas boire en même temps -vous avez déjà fait l’expérience de boire et de rigoler en même temps ?).
Cette vidéo sera sûrement supprimée dans peu de temps pour droits d'auteur. 

[APPARITION] - Qui sont ces gens ? demandai-je à ma voisine, dont le nom m'échappait toujours.
Au moment où elle se redressait pour voir de qui je parlais, bien qu'elle l'eût sûrement deviné rien qu'à mon ton, il leva brusquement la tête -le plus mince, le gamin, le benjamin sans doute. Il s'attarda moins d'une seconde sur ma collègue d'espagnol, avant de m'aviser.
Il détourna les yeux rapidement, plus vif que moi, alors que, soudain très gênée, j'avais aussitôt baissé les liens. L'espace d'un bref instant, j'avais cependant eu le temps de noter que ses traits n'exprimaient aucun intérêt : c'était comme si mon interlocutrice l'avait hélé et qu'il avait réagit instinctivement, sachant pourtant qu'il n'avais aucune intention de lui répondre.
[...] [ET "LEURS YEUX SE RENCONTRÈRENT] Tout à coup, le plus jeune d'entre eux, un des Cullen, plongea les yeux dans les miens. [ECHANGE ?] Son expression était, cette fois, celle d'une franche curiosité. Je me dérobai vivement, mais pas avant d'avoir décelé en lui une sorte d’espérance à laquelle je n'avais pas de réponse.
- Qui c'est, ce garçon aux cheveux blond-roux ? m'enquis-je.
Mine de rien, je constatai qu'il poursuivait son examen de moi. contrairement aux autres élèves, il ne se montrait pas indiscret au moins d'être impoli. En revanche, ses traits étaient empreints d'une sorte de frustration que je ne compris pas. [EFFET ?] Je baissai la tête.
- Edward. Il est superbe, mais inutile de perdre ton temps. Apparemment aucune des filles d'ici n'est assez bien pour lui. 
Twilight - Tome 1 : Fascination de Stephenie Meyer, édition Hachette, 2005. 

Comme vous pouvez le constater, la marge d'incertitude est plutôt grande (éléments manquants, interrogation sur les différents phases). En fait, j'ai moi même élaboré une théorie comme quoi cette marge d'incertitude se traduit par le degré d'ouverture de la bouche de l'actrice (les clignements des yeux ne sont visibles qu'en vidéo). 

Illustration du degré d'ouverture de la bouche d'Isabella Swan. 

Bref, pour en revenir à la question initiale : 

La rencontre du "couple maudit" correspond-elle au modèle de la rencontre du couple classique, forme fixe en littérature ? 
La réponse semble être NON. 
En tout cas pas chez Meyer. Pas avec Bella et Edward. Pas dans leur rencontre. Bref, pas dans son roman. De là à en déduire certaine chose sur la qualité du roman, il y a qu'un pas (que je ne franchirais pas pour garder un certain degré d'objectivité). Pourtant cette rencontre, (pour reprendre les mots de la personne qui à résumé -lien dans "sources"- l'essai de Jean Rousset -ou peut être de Jean Rousset lui-même), « déclenche un mouvement, une série de conséquences proches et lointaines, qui est la suite inéluctable de cet instant premier ».

Élargissement : La relation de Edward et Bella à quelqu'un chose d'anormale (mentionnée également dans le roman). Peut-elle être qualifiée de relation zoophile ? [On peut donc voir cet article comme une accroche pour un nouvel article -à venir]

Sources : 
Twilight - Tome 1 : Fascination de Stephenie Meyer, édition Hachette, 2005. 

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